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FAMILY ROMANCE LLC de Werner HERZOG SORTIE NATIONALE : 19 Août 2020 1h29 – Etats-Unis – 2019
Perdu dans la foule de Tokyo, un homme a rendez-vous avec Mahiro, sa fille de douze ans qu’il n’a pas vue depuis des années. La rencontre est d’abord froide, mais ils promettent de se retrouver. Ce que Mahiro ne sait pas, c’est que son "père" est en réalité un acteur de la société Family Romance, engagé par sa mère.
Propos recueillis et traduits par Anne-Claire Cieutat Il règne dans "Family Romance LLC" une atmosphère très paisible, comme si les battements du coeur de ce film étaient calmes et réguliers. Ainsi le vertige qui opère au fur et à mesure du récit est-il d’autant plus puissant… Oui, la tempête intérieure du film n’est pas perceptible en surface. Le réel, la vérité et la fiction sont entremêlés. Il y a bel et bien un orage au coeur du film, mais en apparence, la mer est calme. Les toutes premières secondes du film pourraient s’apparenter à un conte de fées, avec les notes introductives de Schubert et les plans d’ensemble surplombant les cerisiers en fleurs… Ajoutez à cela que le titre contient le mot " romance "… Bien que le "Notturno" de Schubert apporte une touche romantique au prélude, Family Romance n’a rien d’une romance et n’est en rien relié au mouvement romantique que l’on peut trouver en littérature, en peinture ou en musique. Ce film affronte le réel et nous regarde droit dans les yeux. D’un point de vue formel, "Family Romance" est l’un de vos films les plus dépouillés, ce qui rend sa portée philosophique et métaphysique très puissante… À mes yeux, "Family Romance" est un film cousin de "Land of Silence and Darkness" (1971). C’est, pour moi, l’un des deux ou trois films les plus profonds que j’ai réalisés. Il ne se faut pas se fier à son apparence : elle est trompeuse. D’un point de vue occidental, cette histoire s’apparente à de la science-fiction ! Comment avez-vous découvert ce phénomène d’" amis à louer " au Japon ? Cela ressemble à de la science-fiction, mais il s’agit pourtant bien de notre réalité à nous aussi. Lorsque nous engageons une baby-sitter, par exemple, ou lorsque nous nous attachons émotionnellement à des créatures inanimées comme une poupée ou un ours en peluche, cela participe du même phénomène. Ce n’est donc pas totalement de la science-fiction. Et l’on peut sentir que ce phénomène vient à nous à vive allure ; il est loin d’être le strict apanage du Japon. Ce principe nous renvoie à nos vies performatives, aux rôles que nous jouons dans la société, aux mensonges que nous nous racontons ; tout cela est déjà en place sous nos latitudes. J’ai découvert le phénomène des " amis à louer " par le biais d’un article publié dans le magazine américain "The Atlantic", que m’a fait parvenir le producteur Roc Morin. Roc était un ancien élève de mon école, la Rogue Film School. J’ai toujours eu le sentiment que c’était un réalisateur intéressant et un auteur très doué. De temps à autre, il venait me montrer des séquences qu’il avait tournées, comme celle qu’il a réalisée dans un stade en Corée du Nord et que j’ai incorporée à mon film sur les volcans, "Into the Inferno" (2016). Il m’a donc envoyé cet article qui traitait de l’entreprise intitulée " Family Romance " au Japon. C’est pourquoi j’ai ajouté les lettres " LLC " (Limited Liability Company) au titre pour que l’on comprenne qu’il s’agit bien d’un business. J’étais si saisi par cet article que j’ai immédiatement suggéré à Roc d’en faire un film. Il était hésitant, pas très enclin à se lancer dans ce projet. Pour ma part, j’avais l’intime conviction qu’il y avait là matière à réaliser un film, je lui ai donc demandé la permission de le tourner moi-même. Nous sommes ainsi convenus que j’écrirais le scénario et signerais la réalisation, tandis qu’il produirait ce film. Pourquoi vous êtes-vous tourné vers la fiction plutôt que vers le documentaire ? Cela m’est apparu comme une évidence : ce devait être une fiction, avec des acteurs et une histoire structurée. La majorité des articles de presse relatifs aux locations d’" amis " au Japon fait état de la solitude comme symptôme dont souffre la société japonaise contemporaine. Votre scénario, lui, va au-delà et envisage des situations qui véhiculent un vaste éventail d’émotions. Serait-ce l’un des atouts offerts par la fiction ? Les locations d’" amis " sont un phénomène qui connaît une ampleur considérable au Japon. Il existe désormais de grandes entreprises qui en ont fait leur secteur d’activité. Cela s’est accentué avec le vieillissement de la population. Les anciens sont relégués au ban de la société. Beaucoup souffrent de solitude existentielle et non simplement d’isolement. Ce phénomène est profondément ancré dans la société et il vient à nous, qui menons des vies dépendantes des technologies. Cela est lié à la prépondérance d’Internet et des outils de communication artificiels avec lesquels nous interagissons en permanence. C’est étrange, car aux alentours de 1980, j’ai évoqué en public le développement fulgurant de ces outils de communication à l’époque. Je me souviens d’avoir parlé de solitude existentielle grandissante et dit : " Souvenez-vous de mes mots : le XXIe siècle sera le siècle de la solitude ". Cela pourrait paraître paradoxal, mais pourtant il n’en est rien. Pourquoi avez-vous choisi Yuichi pour jouer son propre rôle ? J’avais deux demandes à son égard : qu’il accepte de passer deux après-midi avec moi à Tokyo, pendant lesquelles il me dirait tout de son business et des situations qu’il a dû traiter ; et qu’il m’aide pour le casting que je souhaitais faire parmi les 400 comédiens qui constituent le vivier d’agents de son entreprise. Il a accepté. J’ai ainsi pu identifier les activités quotidiennes de sa société et construire un récit à partir de ce terreau. Ensuite, pendant le casting, Yuichi s’est placé derrière la caméra et a dirigé les acteurs dans leurs dialogues. Il était si doué que je lui ai proposé le rôle principal du film et il l’a accepté. Yuichi est une grande découverte ! Comment l’avez-vous dirigé sur le plateau ? Tous les comédiens du film sont non professionnels. Aucun d’entre eux n’a été formé à l’art dramatique. Ce qui est frappant, c’est que tous sont si justes et authentiques dans leur jeu que même les critiques professionnels pensent que j’ai tourné là un documentaire. Or, absolument tout dans ce film est écrit, répété et joué. Les dialogues étaient-ils tous écrits ou autorisiez-vous l’improvisation ? Les dialogues n’étaient jamais totalement écrits. J’avais construit les grandes lignes des séquences qui nourrissaient le scénario. Par exemple, certaines sont le pur fruit de mon imagination, comme celle de la femme qui rêve de vivre une seconde fois le jour où elle a gagné au loto et réactiver ainsi l’un des plus beaux jours de sa vie. J’ai inventé une scène dans laquelle ni le public ni l’actrice ne savent exactement ce qu’il va advenir. J’avais juste donné aux acteurs des indications quant à la teneur des dialogues. J’avais imaginé un homme vêtu d’un costume d’électricien qui sonnait à sa porte pour lui demander de signer une autorisation relative à l’installation de la fibre optique dans son quartier ; cet instant devait conduire à celui où les collègues de cet homme surgiraient pour annoncer triomphalement à cette femme qu’elle venait de remporter à nouveau la cagnotte du loto. J’ai laissé les acteurs improviser autour de cette situation. Je ne parle pas japonais, mais je pouvais entendre si les dialogues sonnaient juste ou non. L’un des vertiges suscités par ce film est dû au fait que Yuichi joue un homme qui lui-même joue des rôles. C’est le côté poupées gigognes de Family Romance LLC… Ce qui m’intéresse est que Yuichi ne joue pas un, mais plusieurs rôles. Il doit, par exemple, incarner le père d’une fillette de 12 ans, un employé d’une compagnie ferroviaire obligée de s’excuser auprès de ses usagers pour une erreur humaine - une situation que j’ai totalement inventée… Cette expérience sur ce film a-t-elle modifié sa perception de son travail ? Je n’ai pas revu Yuichi depuis le tournage, mais le sachant très pragmatique, je suis certain que cette expérience a été pour lui un travail comme un autre. Allait-il de soi de donner à vos personnages les prénoms de vos acteurs dans la vie ? Seuls Yuichi et Mahiro, la jeune fille, portent leur propre prénom. Ce sont les seuls ; les autres n’en ont pas. Cela a facilité la tâche à mes comédiens d’avoir ainsi des repères personnels. Quelles furent les conditions du tournage ? Le tournage s’est étalé sur deux semaines : la première, en avril, lorsque les cerisiers étaient en fleurs, et la seconde, en août, durant une canicule historique au Japon. J’étais à la caméra, et de temps en temps, mon producteur Roc Morin ou mon fils Simon m’aidaient pour le son. Je n’avais ni éclairage ni accessoires, juste le strict nécessaire, l’essence même du cinéma. Je savais précisément ce dont j’avais besoin à l’image. Pour certaines séquences, il nous était impossible de répéter, comme celle du train rapide tournée à la fête foraine qui avait lieu en zone hautement sécurisée, quadrillée par des douzaines de caméras de contrôle. Il n’était pas possible d’obtenir d’autorisation de tournage, donc j’ai tourné en mode guérilla. Il y avait le risque d’être arrêtés si nous répétions, donc nous n’avons tourné qu’une seule prise. À un moment, nous avons vu arriver des vigiles qui demandaient du renfort, nous nous sommes donc tous dispersés dans des directions opposées et personne n’a été arrêté. C’est pourquoi pour certaines séquences du film, je ne pouvais faire qu’une prise. Traditionnellement, un long-métrage de fiction suppose de tourner des centaines d’heures de rushes avec plusieurs caméras, mais pour "Family Romance Llc", j’ai tourné 350 minutes en tout et pour tout ! Je parle bien de minutes et non d’heures ! Vous qui avez parcouru le monde entier pour vos projets, est-ce la première fois que vous travaillez au Japon ? Non, en 1997, j’ai mis en scène la première mondiale de l’opéra "Chushingura" composé par Shigeaki Saegusa. Comment vous sentez-vous au Japon ? Très étranger, d’un certain côté, mais de l’autre je pense en comprendre bon nombre de fondamentaux. Je n’avais pas besoin de comprendre la langue, je me sentais très à l’aise avec les dialogues. Je n’ai jamais eu de traduction simultanée dans les oreilles. Je tenais la caméra, j’étais proche de mes acteurs et je savais exactement quand ce qui se jouait était juste ou non. Comment avez-vous trouvé la jeune actrice qui incarne Mahiro ? Initialement, je cherchais un jeune garçon de huit ou neuf ans, ou deux frères. J’ai fait passer des tests à quelquesuns. Le deuxième jour du casting est arrivé un homme, qui joue le confident de Yuichi dans le film. Il est médium à la télévision au Japon et est très connu pour cela là-bas. Il se trouve que ce jour-là, il est venu accompagné de sa fille, qui s’est assise dans un coin de la pièce où nous étions. Je l’ai repérée et lui ai proposé de passer des essais. Le résultat était phénoménal et j’ai su instantanément qu’elle tiendrait le rôle féminin principal du film. Je sens immédiatement quand un acteur est bon, c’est ce qui fait de moi un cinéaste. Regardez "Pickpocket" de Robert Bresson, par exemple : son acteur joue pour la première fois de sa vie et vous savez qu’il est irremplaçable. Quand vous savez qu’aucune personne ne sera mieux que celle en face de vous, vous arrêtez immédiatement les recherches. Je ne fais ainsi aucune différence entre les acteurs professionnels et non professionnels. Ce qui compte est ce qui se voit à l’écran : une forte présence, une autorité, une intensité, une crédibilité. C’est ce qu’un metteur en scène est capable de percevoir. La séquence où cette femme apprend qu’elle a gagné au loto une deuxième fois est mémorable : Yuichi et ses collègues y jouent de manière outrancièrement artificielle ! À cet instant, la frontière entre le drame et la farce y est très ténue… Cela est dû au fait que la femme a conscience que tout cela est faux. C’est elle qui a engagé Yuichi et l’a payé pour ça. Tout, dans ce film, est performatif, inventé, orchestré. Tout est mensonge, artifice, mais les émotions, elles, sont toujours authentiques. C’est un phénomène très étrange. Ce phénomène mobilise pleinement la présence du spectateur, qui est invité à questionner ce qu’il voit en permanence et, de fait, à être très actif… C’est vrai et en particulier à la fin, lorsque Yuichi se demande lui-même si sa famille existe bel et bien ou si ses membres sont des acteurs payés pour jouer un rôle. Votre cinéma est très physique. Même ici, alors que vous tournez au Japon, où la distance est de mise, plusieurs séquences montrent les personnages tactiles, comme dans la scène où Mahiro réclame un câlin à Yuichi ou dans la séquence avec le hérisson, que tous les personnages caressent… La séquence où la petite fille de quatre ans veut un câlin, puis où soudainement Mahiro, qui a douze ans, en réclame un aussi à Yuichi est une scène-clé. Dans la culture japonaise, un père ne fait plus de câlins à sa fille quand elle a atteint cet âge. C’est une convention culturelle et, d’une certaine façon, cette scène montre un tabou. Cette séquence est très silencieuse et je l’ai tournée au ralenti, même si le mouvement est à peine perceptible. C’est un choix que je ne peux expliquer, mais qui me semblait approprié. Une autre séquence-clé est celle du rêve de Yuichi, où l’on retrouve les samouraïs du parc, qui se battent cette fois sans armes. Elle fait écho à une scène marquante de "Coeur de verre" ("Herz aus Glas", 1976), où Hias se bat avec un ours invisible. De manière générale, le visible et l’invisible semblent souvent étroitement liés dans votre cinéma… Il est vrai que cette idée traverse mes films, mais je n’en ai pas conscience. Quant à la séquence des samouraïs, quand je les ai vus réaliser cette chorégraphie dans le parc, je me suis immédiatement mis à tourner. J’avais l’intuition qu’il me fallait inclure cette séquence dans le film. J’avais vingt secondes pour cadrer Yuichi et Mahiro qui les regardaient, car les jeunes qui réalisaient cette chorégraphie ont été sommés par les gardes du parc de cesser, quand bien même leurs armes étaient factices. Les gardes ne voulaient pas perdre la face et ont insisté. De mon côté, j’avais la sensation qu’il m’en fallait plus. Lorsque les jeunes ont commencé à ramasser leurs affaires pour lever les voiles, je leur ai expliqué que je tournais un film et leur ai demandé s’ils pouvaient rejouer cette même chorégraphie, mais sans leurs armes, cette fois, et ils ont accepté. J’avais l’intuition que cette séquence était primordiale et significative ; elle fabriquait du faux dans du faux dans du faux… Et trois jours plus tard, j’ai compris qu’elle constituerait le cauchemar de Yuichi. Il n’y avait pas plus d’intention que cela à l’origine de cette scène, mais j’avais conscience qu’elle s’insérerait dans le mouvement global du film que pourrait percevoir et comprendre le spectateur, sans que je puisse l’expliquer pour autant. C’est ainsi qu’un réalisateur et un scénariste doivent procéder. L’idée du rêve traverse le film, jusque dans la séquence de l’hôtel dont l’accueil est tenu par des automates. Comment avez-vous eu cette idée, à la fois comique, poétique et terrifiante, de ces robots et notamment des poissons articulés ? Cela est lié à ma fascination pour cet endroit, où j’avais très envie de tourner. Cette séquence est le fruit de mon imagination, tout comme celle de l’oracle. Cette femme est sans doute l’oracle le plus célèbre du Japon. Nous avons pris rendez-vous avec elle et ce fut une merveilleuse rencontre. Cette femme-oracle est aveugle ! Nous retrouvons là l’idée du visible et de l’invisible, dont elle se fait le canal… Une fois encore, cela est le produit de mon imagination et n’est pas en lien avec le quotidien de Yuichi dans la vraie vie. Lorsque l’oracle fait ses incantations et parle aux esprits, on ne comprend pas ce qu’elle dit et c’est bien ainsi. Je n’ai pas demandé de traduction. Dans la séquence suivante, Yuichi et la mère de Mahiro se rendent en bord de mer, en haut d’une falaise. C’est la séquence, très poétique, d’un coup de fil à l’invisible… C’est une chose répandue au Japon que ces téléphones reliés au vent. Après le tsunami, quelqu’un a fait construire une cabine téléphonique connectée à l’invisible, dans lesquels les gens pouvaient se rendre pour parler aux âmes des défunts. Il y a même un recueil où les personnes peuvent déposer leurs mots. Cela a inspiré cette séquence et cette cabine téléphonique, que j’ai imaginée sur un rocher au bord de la mer. Votre récit est scandé de plans d’ensemble vus du ciel. Quel rôle tient la nature dans votre film ? Un cliché me colle à la peau selon lequel on attend de moi que je tourne dans le désert du Sahara ou dans la jungle amazonienne, mais j’ai tourné là à Tokyo, or il n’y a pas plus urbain que cette ville. La nature ne tient pas de rôle particulier dans ce film, dont le paysage est essentiellement métropolitain. La question de la foi traverse "Family Romance LLC", à travers les séquences où Yuichi et Mahiro font des voeux ou celle où Yuichi se rend au temple du renard doté du " pouvoir de transformer la réalité ". Cela fait écho à un dialogue saillant de "Fitzcarraldo": " Tout dépend de ce à quoi nous croyons… ". Nos vies sont reliées à un système de croyances, dans lesquelles nous nous projetons. Que ce soit dans la sphère publique ou familiale. Nous croyons en nos propres inventions. Regardez comment fonctionne la mémoire : elle se présente comme une construction bienveillante qui rend la vie plus vivable. Vous pouvez le constater quotidiennement en vous rendant sur Facebook : c’est une projection de soi sur le monde. Voyez à quel point ce qui s’y partage est modifié, embelli et partiellement fictif… Ce que raconte "Family Romance LLC", c’est à quel point nous avons besoin de fiction pour vivre… L’homme a de tout temps eu besoin de jouer un rôle. En particulier les gens qui ont une vie publique. Mais cela est valable aussi en ce qui concerne la place de chacun dans la famille et la façon dont chacun y tient un rôle donné. Je connais, par exemple, une jeune femme qui prend une voix de fillette de cinq ans lorsqu’elle passe un coup de fil à ses parents ; elle ne s’en rend même pas compte. Bien sûr, c’est un processus inconscient : elle se comporte comme si elle retombait en enfance dans cette circonstance. C’est une nécessité pratique pour elle. Comment avez-vous travaillé au son et à la musique du film ? Pourquoi Schubert, par exemple ? La qualité des dialogues devait être impeccable et il ne devait pas y avoir de sons parasites, ce qui n’avait rien d’aisé, comme lorsque nous tournions dans le parc, par exemple. Il nous fallait parfois attendre des heures pour que les dialogues soient parfaitement intelligibles, comme si eux seuls importaient plus que tout. Quant à Schubert, pour moi l’adéquation était parfaite. Il me fallait utiliser le "Notturno" comme je l’avais fait pour "Échos d’un sombre empire" ("Echos aus einem düsteren Reich", 1990), qui s’achevait sur un plan d’un chimpanzé accro à la cigarette. L’animal regardait la caméra avec un regard d’une insondable tristesse. Utiliser le "Notturno" m’avait semblé une évidence et la même chose s’est produite pour "Family Romance LLC", qui, par ailleurs, ne comporte que peu de musique. "Family Romance LLC" est-il un film mélancolique à vos yeux ? Sans doute, oui. Y domine un profond sentiment de solitude.
WERNER HERZOG Né à Munich en 1942, Werner Herzog passe sa petite enfance dans un petit village bavarois, puis son adolescence à Munich. Il écrit son premier scénario dès l’âge de quinze ans. Il poursuit des études littéraires à l’université Louis-et-Maximilien de Munich et travaille de nuit comme soudeur pour financer son premier court métrage, "Herakles", qu’il réalise à l’âge de 19 ans. En 1963, il crée sa maison de production, la Werner Herzog Filmproduktion. En 1968, il réalise son premier long métrage, "Signes de vie" qui obtient un Prix spécial au Festival de Berlin. Le jeune cinéaste met ensuite en scène une révolution très spéciale dans "Les Nains aussi ont commencé petits" (1970) avant de partir filmer le désert du Sahara dans le documentaire "Fata Morgana" (1971). Son travail est reconnu internationalement grâce à "Aguirre, la colère de Dieu" avec Klaus Kinski, film réalisé en 1972 et présenté à La Quinzaine des Réalisateurs à Cannes. Il devient alors l’un des chefs de file du cinéma allemand avec Volker Schlöndorff, Reinhard Hauff ou encore Rainer Werner Fassbinder. Herzog présente "L’Enigme de Kaspar Hauser" au Festival de Cannes en 1974 et remporte trois prix dont celui du Jury. Le cinéaste suit ensuite le parcours de trois hommes allemands en situation précaire avec "La Ballade de Bruno" (1977) avant de tourner à nouveau avec Klaus Kinski dans "Woyzeck" (1979) ou encore dans "Nosferatu, fantôme de la nuit" avec Isabelle Adjani et Bruno Ganz. Le cinéaste allemand part ensuite tourner à l’étranger : au Pérou ("Fitzcarraldo", 1982), en Australie ("Le Pays où rêvent les fourmis vertes", 1984) ou en Colombie et au Ghana ("Cobra Verde", 1987). Dans les années 90, il réalise plusieurs documentaires à la télévision dont "Ennemis intimes" (1999), portrait de son comédien fétiche Klaus Kinski. En 2000, il réalise "Invincible", un drame qu’il présente au Festival de Venise en 2001. Herzog poursuit sa carrière de documentariste avec "Wheel of Time" (2003) sur le Dalaï Lama puis "The White Diamond" (2004) sur un ingénieur qui crée un ballon dirigeable pour survoler les forêts de Guyane. Il exprime sa passion pour les grands espaces avec son film "Grizzly man" (2005), qui retrace la vie du documentariste Timothy Treadwell. Il retourne à la fiction avec le film de guerre "Rescue Dawn" (2006) porté par Christian Bale. En 2009, Werner Herzog présente deux films au Festival de Venise : tout d’abord "Bad Lieutenant : Escale à la Nouvelle-Orléans", un remake du film d’Abel Ferrara dans lequel Nicolas Cage tient le rôle-titre ; puis "Dans l’oeil d’un tueur" avec Michael Shannon et Willem Dafoe. Le cinéaste renoue ensuite avec le documentaire et tourne "La Grotte des rêves perdus" (2011), évoquant la préhistoire et "Into the Abyss" (2012), centré sur le système pénitenciaire américain. Plus récemment, il réalise les deux longs-métrages "Queen of the Desert" (2015) avec Nicole Kidman, Robert Pattinson et James Franco, et "Salt and Fire" (2016) avec Michael Shannon et Gael Garcia Bernal. Outre sa carrière de réalisateur qui comprend plus de soixante-dix films, Werner Herzog a également écrit des livres, mis en scène une douzaine d’opéras, joué dans des films et fondé sa propre école de cinéma, la " Rogue Film School ". YUICHI ISHII Yuichi Ishii interprète son propre rôle dans "Family Romance, LLC", celui d’un acteur du quotidien. Il a en effet fondé en 2009 à Tokyo la société Family Romance. Tout commence pour lui par un service qu’il rend à une mère célibataire qu’il connaît : elle souhaite inscrire son fils dans une école privée, mais vit seule. Yuichi Ishii décide alors de l’aider en endossant le rôle du père. C’est le texte de Freud " Le roman familial des névrosés " qui donnera le nom à son entreprise. Family Romance est une des nombreuses agences de " rentaru furendo " (location de proches) qui prospèrent au Japon. Celles-ci proposent à leurs clients de louer les services d’acteurs pour interpréter une multitude de rôles pour quelques heures, une journée, un week-end, voir même plusieurs années. Amis à louer pour un mariage ou un enterrement, fiancé(e) à présenter à des parents désespérés, collègues sympathiques à exhiber lors d’anniversaires, ou confidents d’un soir que l’on paie pour partager juste un verre et oublier un instant la solitude... le catalogue est très fourni. L’agence Family Romance emploie 800 acteurs pour interpréter ces différents rôles. Le choix se fait pratiquement sur commande, en indiquant l’âge et le physique recherché. Un même acteur n’est autorisé qu’à prendre cinq rôles en simultané. Se mettre dans la peau d’un nombre plus important de personnages serait source de confusion, d’erreur et pourrait faire tomber le masque de l’acteur devant tout l’entourage du client. Pour éviter tout attachement, il existe aussi certaines règles. Ainsi, les faux couples n’ont pas l’autorisation de s’embrasser ni même de se retrouver seuls dans une pièce. Le rôle le plus demandé reste celui de membre de la famille. Yuichi Ishii interprète celui du père dans une trentaine de familles différentes. Cela suppose de jongler avec de multiples identités puisque, à chaque fois, il change de nom, d’existence, de progéniture... et même de look. Et de l’avis de tous, Yuichi Ishii est un père parfait. Un vrai rôle de composition pourtant pour lui qui est toujours célibataire et sans enfants. Son contrat le plus long a démarré en 2009. Certains de " ses enfants " sont au courant, mais il continue néanmoins à les voir. Même si tout est faux, Yuichi Ishii estime qu’il fait du bien aux familles qui l’emploient. Il est soucieux de faire passer un moment agréable à ses clients, selon le slogan de l’entreprise : "Le bonheur fabriqué que nous vous proposons surpasse le bonheur de la vie réelle ". Le recours à ces services reflète un grand sentiment de solitude, mais ils permettent aussi de sauver les apparences dans une société japonaise où la forme compte presque plus que le fond et où il existe une pression constante pour être en conformité avec les autres. Aller voir un psy étant encore mal vu au Japon, une telle entreprise peut venir remplir cette fonction, en répondant autrement à un besoin de communication, de lien social. Si ces interactions humaines à la carte reposant sur un contrat sont devenues un nouvel idéal de perfection, Yuichi Ishii aimerait faire advenir une société où plus personne n’aurait besoin de ses services. Mais en attendant, s’il n’est pas un spécialiste, il tente de pratiquer la bienveillance et la thérapie du coeur.
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