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PSYCHOMAGIE, un art pour guérir de Alejandro JODOROWSKY SORTIE NATIONALE : 2 Octobre 2019 1h40 – France – 2019
Si chacun d’entre nous a un héritage génétique, il possède aussi un héritage psychologique qui se transmet de génération en génération. Alejandro Jodorowsky, cinéaste et artiste multidisciplinaire convaincu que l’art n’a de sens profond que s’il guérit et libère les consciences, a créé la Psychomagie. Au moyen d’actes théâtraux et poétiques s’adressant directement à l’inconscient, cette thérapie permet de libérer des blocages. "Psychomagie, un art pour guérir" est l’expérience artistique la plus complète sur l’évolution de l’oeuvre créative et thérapeutique d’Alejandro Jodorowsky.
Comment est née la Psychomagie ? Il y a ce mythe que les idées vous arrivent toutes faites dans la tête, un beau jour vous vous réveillez avec. Mais ce n’est jamais comme cela que ça se passe. Non, une idée est le résultat d’un grand nombre d’expériences. Comment est née la Psychomagie ? Par la vie peu commune que j’ai vécue, depuis ma naissance dans un petit village du Chili où j’étais enfermé comme un rat. Mais le rat a abandonné le morceau de fromage et s’est enfui de sa cage. Pour venir en France… A Paris, j’ai commencé par faire du théâtre avec le Mime Marcel Marceau. Pendant cinq ans, j’ai écrit pour lui des pantomimes dont certaines sont restées célèbres, comme " La Cage " ou " Le Fabricant de masques ". Ensuite, j’ai fait du théâtre. Le théâtre de l’absurde, Ionesco, Beckett, Arrabal, Strindberg. Un théâtre déjà révolutionnaire. Puis je suis passé au happening. Il s’agissait alors d’abandonner le texte - la branche littéraire du théâtre si vous voulez - pour créer un spectacle exclusivement constitué d’actes. J’avais rencontré le surréalisme et le futurisme. A partir de là, il fallait tout éliminer : les acteurs, les textes, les décors. Je suis devenu le créateur d’une forme que j’ai appelée le " théâtre éphémère ". Il s’agissait de proposer à une personne de faire quelque chose qu’elle n’avait jamais fait auparavant. Un acte poétique, toujours constructif, jamais destructif. Très vite, j’ai senti que cela avait une vertu thérapeutique. Comment cela ? Je m’étais intéressé à la psychanalyse. J’en avais moi-même fait une avec Erich Fromm, mais sans pouvoir résister plus d’une année. C’est une méthode qui fonctionne principalement avec la parole. Mais les mots ne sont pas la chose. Comme la carte n’est pas le paysage : ce n’est qu’un outil pour se repérer. Les mots te servent pour comprendre pour analyser, mais ils ne peuvent pas te guérir. Si j’ai un complexe d’OEdipe, la psychanalyse va me permettre de le reconnaître, de le verbaliser, mais à part ça, je ne gagne rien : je reste amoureux de ma mère. C’est à ce moment-là que je suis passé à la Psychomagie : elle a le même but, rendre à la personne la conscience de soi, éliminer ce qui l’empêche d’être soi. Mais pour cela, il faut davantage que les mots, il faut un acte. Ici, se noue la rencontre avec cette phrase du futurisme qui m’a tant marqué : " la poésie est un acte ". J’ai envisagé la Psychomagie comme un acte guérisseur, qui permet de toucher en soi son véritable être. D’où vient le terme ? Dans un premier temps, je pensais l’appeler "psychosorcellerie", mais cela avait des connotations négatives. On pense aux vampires ou au Diable, à la superstition, au fait de jeter des sorts pour faire du mal à distance… Alors que " magie ", pour moi, c’est le langage de l’inconscient, un monde immense qui n’a pas la logique de la vie quotidienne. La Psychomagie adopte le langage poétique des rêves comme méthode thérapeutique. Les sorciers te donnent des concoctions à base de sang de crapaud, par exemple. Tu les avales et ça agit sur toi comme un placebo. Même chose avec la médecine homéopathique : elle m’a guéri de l’asthme avec des petites pilules auxquelles je ne croyais pas du tout… Comment ? Pourquoi ? Parce que l’inconscient croit aux symboles, aux actes symboliques. Pour l’inconscient, la photo d’une personne, c’est la personne elle-même ; ce que l’on rêve est la réalité. La psychanalyse te pousse à parler jusqu’à ce que tu perdes le contrôle de ce que tu dis et que ton inconscient prenne le relais. Alors, le psychanalyste se charge de traduire ce que l’inconscient a dit en langage de la raison, pour que tu le comprennes et que tu l’assimiles. Bref, elle prend le langage de l’inconscient et l’explique de manière rationnelle. Moi, je fais l’inverse : j’apprends au rationnel comment parler le langage de l’inconscient. Pour que cela marche, il faut y croire ? Au contraire ! Je cherchais précisément un acte qui marche alors même que l’on n’y croit pas. Imaginons un jeune homme, que sa fiancée quitte pour un autre juste après l’achat du costume de mariage. Je vais lui demander de brûler ce costume, de récupérer une partie des cendres, de les mélanger à un verre de vin et de les boire. Voilà, il s’est vengé. Il peut guérir, parce qu’il a bu un symbole… Ce n’est pas une croyance, c’est une recette de cuisine qui n’est pas basée sur une foi quelconque mais sur l’obéissance. Tu te contentes d’appliquer ce qui est marqué sur la recette. De la même manière que j’ai guéri de l’asthme, grâce à des petites pilules dont je suis convaincu qu’elles ne contiennent que du sucre. Pourquoi ? Parce que le corps et l’inconscient parlent un langage autre que celui de l’intellect. L’inconscient croit. La Psychomagie est donc une continuation directe de votre "théâtre éphémère". Absolument. Pour être plus précis encore, je dirais que c’est une cérémonie, un rituel, à ceci près que les rituels habituels relèvent de gestes sacrés qui se répètent, alors que la Psychomagie est constituée d’actes profanes qui n’ont lieu qu’une seule fois. Un " rituel happening ", en quelque sorte. Il y a autant d’actes psychomagiques que d’individus, des milliers de cas, faits sur mesures, comme le cordonnier fabriquait les chaussures pour chaque pied autrefois. Il faut bien comprendre que la Psychomagie est gratuite. On ne paie pas. Pour moi, c’est un art, je le prodigue pour le plaisir. Je ne suis ni un gourou, ni un médecin, je suis un artiste. Un artiste qui essaie de prouver que l’art peut guérir. Dans le cadre d’une psychanalyse, tu achètes un médecin pour une séance, c’est presque de la prostitution. Dans la Psychomagie, il n’y a pas de transfert, tu ne tombes pas amoureux de ton médecin. On te donne la recette d’un plat, et c’est toi qui dois le cuisiner. Mais alors, comment filmer ça ? Si tu donnes à un homme timide l’instruction de se peindre les testicules en rouge, tu ne peux pas le mettre dans un film… De même, les cendres dans un verre de vin, à l’écran, ça ne donnerait rien. Quant aux actes qui ont une portée cinématographique, les "mettre en scène" reste un immense défi. Il faut partir à l’aventure, car ce sont des moments réels, sans répétition, sans la moindre certitude. C’est la raison pour laquelle le cadreur/chef-opérateur devient un élément déterminant du dispositif : il doit disparaître, être invisible, pour que les actes puissent s’accomplir librement. La seule personne qui pouvait m’offrir cela, c’était ma femme, Pascale Montandon-Jodorowsky. Elle seule pouvait tenir la caméra et comprendre sans un mot ce que je voulais. D’un simple geste du petit doigt, elle comprenait où se placer. On avait mis au point un système codé, si je lui disais " Coupe ! Ne filme plus ! " elle savait qu’elle devait absolument continuer à filmer, car c’était le moment où la personne serait le plus naturelle. Filmer un acte psychomagique, c’est comme attendre qu’un accident se produise au coin de la rue. Tu ne peux pas préparer l’accident, tu dois attendre qu’il ait lieu. Il faut attendre que la "magie" opère… Exactement. Quand je réalise un film, je sais précisément ce que je veux. Je tourne quinze, vingt prises, jusqu’à obtenir l’intonation juste, la performance exacte. Je suis responsable de tout ce qu’il y a à l’écran. Mais avec la Psychomagie, c’est tout le contraire. Je ne suis pas propriétaire du texte. Je ne peux pas préparer la prise de vue. Je ne peux rien faire refaire. Je ne sais pas comment les gens vont accomplir l’acte que je leur propose, ni comment ils vont réagir. De ce fait, ce film n’est pas un documentaire classique. Là, tout se produit en direct, sans filet. Il y a la même différence qu’entre montrer une mayonnaise et montrer "comment on fait" une mayonnaise : elle peut prendre ou ne pas prendre. Rien à voir avec la façon habituelle de faire du cinéma. C’est une autre forme. Plus libre, plus réelle. Après un siècle de gens qui imitent des sentiments, on essaie de faire un film d’1h30 sans acteurs, avec uniquement des sentiments authentiques. Vous intervenez à l’écran pour certains des actes. J’ai dû le faire parce que c’était un film. Mais pour un acte de Psychomagie instructions et je ne les revois plus. Parfois, ils ne se décident à les mettre en application que cinq ans après. Vous savez, très souvent, quand on a un problème, on ne veut pas vraiment s’en défaire, car il nous est nécessaire pour continuer à vivre - ou pour pouvoir continuer à s’auto-détruire. Les gens sont attachés à leurs problèmes, comme ils sont attachés à leur ego. Alors, avant qu’ils ne se décident à obéir aux instructions, il se passe parfois beaucoup de temps. Il arrive que certains me rappellent plusieurs mois après pour me demander s’ils peuvent changer telle ou telle partie de l’acte que je leur ai proposé. Ils marchandent… Mais ça, ce n’est pas possible. Car si tu désobéis, ça ne peut pas marcher. Si tu désobéis, l’ego reprend sa place. C’est un refus, donc la défense a gagné… Dans le cas du film, la situation était un peu différente, puisque j’étais forcément présent. Vous insistez sur le fait que ces gens ne vous doivent rien, ni argent, ni reconnaissance. Ils ne vous doivent que l’obéissance… La clef, c’est d’éliminer complètement la relation de transfert. L’unique chose que je leur demande est de m’envoyer une lettre, une fois l’acte accompli. Dans cette lettre, ils doivent simplement écrire ce qu’était leur problème, l’acte que je leur ai demandé de réaliser, comment ils l’ont mis en application et quel a été le résultat. Voilà, cette lettre, c’est mon paiement. Un grand nombre de ces lettres vont bientôt être exposées au Japon, à la triennale d’art contemporain d’Aichi, et les voir réunies est franchement impressionnant. Lorsque vous apparaissez dans le film, notamment avec la vieille dame misanthrope en pleine dépression, vous laissez voir votre propre vieillesse. Vous voulez lui transmettre une force dont vous-même ne disposez plus tout à fait physiquement, c’est très émouvant. Il y a la vieillesse, bien sûr, mais il y a aussi une autre raison. Je marche à ses côtés, je dois donc rester à sa hauteur. Il ne faut surtout pas que je la dépasse… Cette femme a développé une méfiance absolue vis-à-vis de l’être humain. Alors il faut que je me mette à son niveau. Surtout pas audessus. Même chose avec le garçon bègue : une partie de la guérison vient de ce que le guérisseur soit modeste, dénué de tout narcissisme. Je me mets le moins possible en avant. Dans certaines scènes, vous avez remarqué que je ne suis pas à mon avantage physiquement ? C’est parce que je tenais à être filmé tel que je suis. J’ai l’air vieux, et alors ? Je suis vieux. Je ne me maquille pas, je me montre comme je suis et je parle comme un être humain. Pas de séduction. Pas d’admiration. Mais l’artiste que vous êtes, lui, a gagné l’admiration de son public, il ne peut pas être si modeste… Même comme artiste, j’ai dompté mon ego. Dans le Tarot, il y a le Mat (le fou), qui représente l’" être essentiel ". Et un chien le suit. Ce chien, c’est l’ego. Dans l’" être normal ", c’est l’inverse, le chien guide l’aveugle, l’ego guide l’inconscient. Mais tu peux apprendre à guider ton ego, et ainsi devenir transpersonnel. Dans mes films, je n’apparais pas pour qu’on m’applaudisse. J’apparais parce que c’est nécessaire. Pourquoi montrer cette femme atteinte d’un cancer et "guérie" par une séance de Psychomagie ? Non, non, je ne prétends surtout pas la guérir. Je fais une expérience. C’est ce que je dis à la foule qui est là : " nous allons faire une expérience ". Au fond, qu’est-ce qu’une maladie ? Une maladie est un enfant qui a besoin que l’on s’occupe de lui ! Cette femme atteinte d’un cancer, pendant un moment, une foule entière s’occupe d’elle. Et ça, c’est comme une bombe atomique émotionnelle ! Je ne suis pas un gourou hindou qui te prend dans ses bras et accomplit un miracle. Pas du tout ! D’ailleurs, j’ai attendu dix ans pour voir le résultat, quand on l’a retrouvée, par chance, alors que l’on tournait le film. Un acte de Psychomagie, c’est une graine que l’on met dans la terre en espérant que ça poussera. Si la terre est fertile, elle produira quelque chose. Si elle est empoisonnée, rien n’en sortira. De manière assez notable, vous avez théorisé la Psychomagie pendant les années 90, période où vous ne tourniez pas de films. Oui. J’ai passé vingt ans sans faire de films. Pas parce que je ne le voulais pas, mais parce que je ne le pouvais pas. J’ai économisé vingt ans pour pouvoir me payer le film suivant. Et les films que vous avez faits ensuite sont comme des actes de Psychomagie auto-appliqués à vous-même. Bien sûr ! Si l’art pouvait guérir, il devait d’abord pouvoir me guérir moi. Pour cela, il fallait que tourner soit un acte psychomagique, pour moi-même et pour ma famille. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi l’autobiographie pour la Danza de la Realidad, Poesia Sin Fin et Voyage essentiel, que je tournerai l’année prochaine, la fin du triptyque. Pourquoi ces films sont-ils si forts émotionnellement ? Parce que tout y est vrai. On a tourné dans la rue-même de mon enfance, sur le lieu-même où était ma maison, dans la caserne de pompiers, chez le dentiste où j’allais… Tout est resté là, inchangé, depuis cinquante ou soixante ans, parce que c’est comme une ville fantôme figée dans le passé. Dans cette démarche, il y a une quête de catharsis ? Cela va encore au-delà. Cela produit même des changements dans l’atmosphère… Quand on filmait à Valparaiso, il y avait un quai maritime dont j’avais besoin comme décor mais que je ne pouvais pas utiliser, parce qu’il y avait une construction métallique qui m’empêchait de mettre ma caméra. À la place, on m’avait trouvé un autre quai, horrible, et je n’avais pas le choix, il fallait tourner le lendemain... J’étais catastrophé… Mais cette nuit-là, il y a eu une tempête terrible qui a détruit le quai que je ne voulais pas et emporté la construction métallique qui m’empêchait d’utiliser l’autre… Je ne vous mens pas, c’est la pure vérité ! En commençant le tournage de la "Danza de la Realidad", j’avais prévenu mon équipe : il s’agissait d’autre chose que d’un simple film, il s’agissait de la guérison de mon âme. À la fin de "Poesia Sin Fin", on pleurait tous ! Moi jeune ? Je suis joué par l’un de mes fils, Adan. Mon père ? Joué par un autre fils, Brontis. Mes deux fils jouent la relation entre leur père et leur grand-père, qu’ils n’ont pas connu. Et moi-même, j’interviens entre les deux. En faisant cela, on réveille tous les démons de la famille. Un maelström d’émotions jaillit ! Ça doit être éprouvant. Presque trop… Ça change la vie, oui. Avec Brontis, on ne s’est pas parlé pendant un an, après le second film. L’impact avait été trop fort. Mais une fois tout cela bien digéré, on est devenus des amis vrais. Même si tu veux être le meilleur père ou la meilleure mère du monde, tu ne le peux pas. Car le monde lui-même est à l’agonie. Alors la génération qui vient t’en veut, c’est inévitable. Voilà pourquoi il faut soigner la famille. J’ai inventé la méta-généalogie à cet effet, une technique que j’utilise pour poser le diagnostic des actes de Psychomagie. Parce que moi même, j’ai eu une famille toxique, comme je le raconte dans mes films. Je ne prétends pas être né avec la science infuse et détenir une quelconque vérité. Non, j’ai moi-même souffert d’une névrose qui m’a accompagné pendant au moins cinquante ans. Dans Psychomagie, un art pour guérir, il y a des extraits de vos récents films autobiographiques, mais aussi de Fando et Lis, le tout premier, qui date de 1968. Pourquoi ? Parce que c’est le plus naturel de tous. C’est le film le plus pauvre que j’ai fait, le plus bafoué, le plus incompréhensible. Mon premier. J’étais vierge. Je le faisais, le samedi et le dimanche, sans argent, sans producteur, sans stars, avec une petite feuille qui me servait de script, et le souvenir lointain de la pièce d’Arrabal. Mon monde cinématographique n’était pas encore constitué. Au fond, le film n’était fait que de purs actes de Psychomagie… Alors qu’elle n’existait pas encore… Alors qu’elle n’existait pas encore ! Voilà pourquoi j’espère qu’il sera redécouvert et peut-être mieux compris, lors de la prochaine rétrospective à la Cinémathèque. Faut-il en déduire que vous n’avez pas tout à fait vaincu votre ego, finalement ? Si je prétendais avoir vaincu mon ego, je mériterais que l’on me gifle, car ce serait d’une vanité épouvantable ! Non, je ne l’ai pas vaincu, mais je l’ai "dompté". Un peu. Le plus possible. On ne peut pas se défaire de son ego, mais il faut essayer de le dompter. Faire en sorte qu’il obéisse. Et voilà, vous l’avez compris : c’est précisément pour cette raison que je demande l’obéissance aux gens, dans le cadre des actes de Psychomagie. Parce que l’ego doit obéir à l’être essentiel.
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